Quelle priorité en matière de vaccins contre le sida ?

Par admin • 23 Oct, 2009 • Catégorie: VIH-sida

Les résultats du dernier essai de vaccin contre le sida dessinent deux pistes de recherche. Mais pour aboutir à un vaccin préventif, le risque serait de négliger l’une d’elle, prometteuse pour un vaccin thérapeutique, qui intéresse en premier lieu les personnes séropositives, voir l’ensemble de la population.

Le plus grand colloque international sur les vaccins anti-VIH, « AIDS Vaccine 2009 », s’est déroulé à Paris du 19 au 22 octobre. Si le récent essai « Thaï », qui apporte une « preuve de concept » à la possibilité d’obtenir un vaccin efficace, fut la star incontestée de l’événement, il pose néanmoins des questions qui relèvent de la recherche, et de sa politique. Cet essai établit en effet un potentiel clivage entre deux pistes de vaccins. L’une est dite « préventive », c’est à dire qu’elle préviendrait l’infection, l’autre est « thérapeutique ». Elle permettrait pour sa part de contrôler l’infection chez les séropositifs, les libérant alors partiellement des prises quotidiennes d’anti-rétroviraux, et de leurs effets secondaires.

L’essai « Thaï » a montré que dans le groupe vacciné avec le « RV 144 », le nombre de personnes infectées a diminué de 31% par rapport à celui du groupe placebo. Paradoxalement les sujets devenus séropositifs, vaccinés ou non, ne présentent pas de différence de charge virale. Ces données appparement contradictoires indiquent l’existence d’une infection qui se déroule, schématiquement, en deux temps. D’une part l’acquisition, qui signifie la pénétration du virus dans l’organisme, puis sa réplication chronique, qui concerne la production de milliards de milliers de virions, descendants de l’originel viral. Les données apparement contradictoires révélées par l’essai indiqueraient donc que le virus transmis n’est pas le même que les virions conséquement apparus. Le VIH, connu pour sa vitesse de réplication et son taux impressionant de mutations, échapperait ainsi au systéme immunitaire en changeant rapidement d’apparence. Pour résumer l’essai « Thaï », le vaccin aurait fonctionné, a priori, contre l’acquisition, mais pas contre la réplication chronique. La démonstration des mécanismes de protection immunitaire déclenchés par le vaccin RV 144 restent cependant à établir…

dichotomie

Lors de la clôture du colloque, Anthony Fauci, le directeur américain du National Institute of Allergy and Infection Diseased (NIADS), a exprimé l’importance de déployer les efforts en vu de « comprendre les événements primaires » qui se déroulent dans les premières heures, voir les quelques jours qui succédent à l’infection. Toutefois, si réussir à bloquer la réplication virale lui semble « une chose importante », il est convaincu que « le blocage de l’acquisition doit rester le but premier de la vaccinologie ». Ainsi, la recherche sur les anticorps dirigés contre le virus lui paraît très prometteuse.

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La co-prix nobel de médecine 2008, Françoise Barré-Sinoussi a également conclu la session sur la nécessité d’explorer les mécanismes encore inconnus qui entrent en jeu lors de la primo-infection. Elle a ajouté que les vaccins, qui n’étaient « pour l’heure pas capable de bloquer l’acquisition », devraient être développés parallélement dans le but de réduire la réplication. Sa démonstration a ainsi consisté à montrer qu’attaquer le virus ne devait pas être le seul but du vaccin, mais qu’une meilleure compréhension des voies de réplication devait être engagée. Rappelant que l’acquisition s’effectuait aussi via la transmission du virus de cellules à cellules du système immunitaire, elle a souligné que la déplétion de ces cellules, c’est à dire leur disparition due à l’invasion de virions qui se reproduisent en leur sein, limitée la réplication de ces derniers. Une piste de recherche consiste entre autres à identifier les épitopes du virus -des fragments de sa carte d’identité- exprimés à la surface de ces cellules.

Il ne s’agit cependant pas d’opposer vaccins préventifs et thérapeutiques, non plus que ces deux discours de clôture du colloque, puisque la compréhension de l’extrême complexité du système immunitaire, passera sans doute par la complémentarité des recherches. Rappelons seulement que, si pour C.Bernard « Un médecin ne connaîtra les maladies que lorsqu’il pourra agir rationnellement et expérimentalement sur elles », G.Canguilhem et M.Foucault se sont evertués à montrer que c’est l’étude du « pathologique » qui permet de définir le « normal ».

Jautrou Henri

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